LA TOUR EIFFEL N° 8
Et bien, chers lecteurs, vous voyez que la tour Eiffel peut s’incliner jusqu'à trente degré de son axe verticale !!! Et je suis prêt à parier, que vous étiez à des années lumières de vous en douter. Voyons ensembles ce qu’il va advenir de cette histoire.
Il est maintenant une heure trente deux, dans cette nuit ou la neige n’a cessée de tomber, et de gros flocons viennent encore ajouter a cette couche de poudreuse, les quelques dix centimètres, qui manquaient au décor, de telle sorte qu’il y a maintenant a peu près un demi mètre d’épaisseur.
Gustave et moi sortons du sous sol et pataugeons de nos pas silencieux jusqu’aux genoux. A voir le visage de Gustave, la fumée noire de ce feu, nous a quelque peu noirci les pommettes et le bout du nez. Aussitôt, nous levons les yeux et splendeur !!! Nous découvrons cette tour Eiffel inclinée, mais qui penche vraiment et pour ma part, ce penchant me parait inquiétant, voir dangereux.
Mon ami l’ingénieur, ressentant mon inquiétude, me rassure par quelques mots.
« Tu vois Daniel, la tour pèse plus de dix mille tonnes et son centre de gravité, par le fait de ses pieds largement écartés, ne dépasse pas le seuil de non retour. Je te simplifie la chose, sans rentrer dans des équations qu’il m’a fallu résoudre en de savants calculs, n’ayant pas forcément toutes les données concernant la porosité du béton profond, le taux d’humidité fonctionnel et actif du terrain , l’aérodynamisme de l’édifice de mon homonyme le Père Gustave, et enfin la vitesse de déplacement des fluides d’azote et de Co2 qui transitent de la Seine aux pieds de la tour…. Tu me suis hein ?... cela n’est pas très compliqué, et je te passe les détails. Toujours est il que ça fonctionne, regarde les deux pieds opposés, ils sont levés de dix huit mètres et ça tient !!! »
Tandis que Gustave contemple son œuvre, un type du genre SDF vient de sortir de son carton. Il a une bouteille à la main, et titube en balbutiant quelques sons pouvant ressembler à des paroles.
Et, s’adressant à nous…
« Eh !… Eh… Me… Messieurs…. Je … je… vous… sou… souhaite une Bo… bonne nuit, A… A…Avez-vous re.. . re… marqué…que…que la Toutour est PenPen … Chée ?... »
Le pauvre en tient une, je vous raconte pas, est –il possible de se mettre dans des états pareils, Et le voila qui s’affale de tout son long a nos pieds.
Pendant qu’on essayait de relever ce clochard, pour le remettre dans son carton et bien refermer le couvercle, on entendit un fort craquement qui semblait venir du pilier nord.
« T’as entendu Gustave ?... »
« Oui, j’ai bien entendu, cela doit probablement provenir du tassement de terrain … C’est normal…»
« Mais Gustave !!! …Regarde la tour !!! On dirait qu’elle continue de se pencher… »
Avec cette nuit éclairée par tant de neige, on distinguait parfaitement la totalité du monstre de fer, et il me semblait le voir bouger, mais du mauvais coté.
« Elle bouge Gustave, le poids de la neige… Tu y as pensé ? …»
« …Mais non, elle va se stabiliser… » Disait l’ingénieur.
« …Elle est en train de tomber Gustave… »
« …Saperlipopette !!! Mais tu as raison, elle bouge !!! »
Et les craquements reprirent de plus belle, les grincements horribles qui parvenaient a nos oreilles laissaient penser a de la ferraille qui se tordait, le sol tremblait sous nos pieds, la tour penchait lentement, mais de plus en plus. Le clochard surement doté d’un sixième sens, ouvrit son carton et couru a se fondre dans la nuit tellement qu’il avait peur !..
« Gustave !!! C’est foutu !!! Elle tombe, elle tombe, ce n’est pas vrai, mais dis moi que ce n’est pas vrai !!! »
Gustave ne savait quoi dire, ne pouvait rien dire, il était comme pétrifié, médusé, abasourdit, il regardait son œuvre qui se cassait la figure.
Puis, dans un fracas assourdissant et insoutenable, la tour s’écrasait sur le sol et se coupait en trois morceaux, faisant de la neige comme un brouillard épais qui ne nous permettait pas de discerner quoi que ce soit des restes de la tour.
Nous restions muets et tétanisés. Aucun son ne pouvait sortir de nos bouches, les yeux rivés sur ce monstrueux amas de ferraille qui jonchait le sol, on ne bougeait même pas nos bras tombant. C’était comme si on avait perdu toute sorte de vie, comme un état d’hypnose.
Et Gustave murmurait alors…
« … Bon sang !!! Mais qu’a-t-il bien pu se passer,…c’est vrai je ne comptais pas sur le poids de la neige, mais quand même !!! Oh !... Quelle désolation !... Qu’ai-je fais !!! Ma vie est finie !... que va t_on dire de moi après un coup pareil !!! »
Et Gustave mit un genou a terre, baissa la tète, et se mit à pleurer comme un gamin.
A suivre…